Coeur des Laurentides

Les Laurentides

           On entend différentes définitions des Laurentides. D'abord, ce mot désigne-t-il la région naturelle, c'est-à-dire basée, dans ce cas-ci, sur la présence d’une portion de chaîne de montagnes qui lui a donné ce nom ? Basée aussi sur un sentiment d’appartenance de ses habitants ou de l’étiquette que lui ont accolée ceux qui sont d’ailleurs, les touristes surtout. C’est la région des géographes.
Parle-t-on plutôt de l’immense région administrative, l’une des 16 créées en 1987, détachée alors de celle de Montréal ? Un demi million d’habitants et 20 560 km² qui s’étirent de la rivière des Mille-Îles au réservoir Baskatong au nord-ouest, coincés entre la région de l’Outaouais donc, à l’ouest, et celle de Lanaudière, à l’est ?
Cette délimitation administrative fut calquée sur celle des municipalités régionales de comté, ressuscitées à la même époque et qui composent ses trois sous-régions, suivant Tourisme Québec: Carte du Coeur des Laurentides. On a donc : 1. Portes des (ou les Basses*-) Laurentides (les MRC. Thérèse-de- Blainville, Deux-Montagnes, Mirabel et Argenteuil); 2. Cœur des Laurentides (les MRC Rivière-du-Nord, avec Saint-Jérôme ; Laurentides, avec Ste-Agathe et Mont-Tremblant ; Pays-d'en-Haut, avec Ste-Adèle, St-Sauveur et …Wenworth-Nord !);  3. Hautes-Laurentides (MRC Antoine-Labelle).
Que sont donc devenus nos Pays-d'en-Haut, les Cantons du Nord  des loyalistes et nos anciennes Hautes et Basses Laurentides? En fait, dans la plupart des organismes, services, publications statistiques ou autres, on reprend maintenant la désignation du gouvernement, celle de la région administrative numéro 15, un exploit en soi.  Elle s’est ainsi approprié la région géographique, la touristique, l’économique, etc.   J’ai pourtant du mal à associer la plaine du Saint-Laurent, entre Laval et Saint-Jérôme, entre la rivière des Outaouais et le piémont, au nom d’une chaîne de montagnes, …fussent-elles basses !
             «Les Pays-d’en-Haut du curé Labelle ne commençaient-ils pas avec Saint-Jérôme, l’ancienne Porte des Laurentides ? N’était-on pas, alors seulement, dans les Basses-Laurentides aussi longtemps, j’imagine, que l’on n’atteignait pas la latitude du mont Tremblant et alors les Hautes-Laurentides ? Mais si ces dernières se prolongeaient au-delà, ce ne devait plus être autant par l’altitude de leurs sommets que, peut-être, par le fait que l’on montait plus haut vers le nord, en fait nord-ouest.
Jusqu’à nouvel ordre et quoique la notion de région soit, comme celle de la langue, évolutive, il me semble difficile d'aller contre la désignation officielle. Je choisirai donc de ne m’intéresser qu’à la sous-région «Cœur des Laurentides», celle qui nous concerne au premier chef, de toute façon.  Je voudrais, dans des articles à suivre, en retracer brièvement la géographie physique, l’histoire avec la démographie, l’économie ainsi que le rayonnement de ses villes ou villages et de ses centres touristiques. Entre-temps, je vous inciterais à vous procurer, auprès de notre MRC, le double feuillet que j’ai ramassé au Pavillon et intitulé «Au cœur des Laurentides», avec les articles de Chantal Ladouceur et de Pierre Grignon, un condensé bien présenté.
 
* Terme utilisé par le MRNF et plutôt désigné comme Portes des Laurentides dans le «guide touristique officiel».
                                   Carl Chapdelaine


géographie physique (partie 1)

La sous-région du Cœur des Laurentides, de St-Jérôme à Labelle, avec les MRC Rivière-du-Nord, Pays-d’en-Haut et Laurentides, correspond à une parcelle du Plateau laurentidien. Lui-même est une partie du Bouclier canadien, avec ses roches précambriennes, dures, surtout du gneiss dans le cas qui nous intéresse.
Nous sommes ici en présence d’une ancienne plate-forme qui, résultat de cycles d’érosion initiés au Précambrien, est de plus en plus fortement déchiquetée au fur et à mesure que l’on descend vers sa partie méridionale, celle qui jouxte la plaine du St-Laurent. Ce qui en résulte se nomme pénéplaine et nous apparaît alors comme une multitude de vallées et de collines ou monts que nous appelons Laurentides et que nous prenons pour des montagnes.
Les plus hauts sommets plafonnent généralement, au Cœur des Laurentides, à environ 500 mètres. C’est leur altitude autour du lac St-François-Xavier. Ils dépassent pourtant cette cote au nord-est de la sous-région, avec le mont Tremblant, par exemple, qui atteint 968 mètres. Mais, de toute cette ‘chaîne de montagnes’, la plus élevée est le mont Raoul Blanchard (1166m), au nord-est de Québec, du nom du géographe français qui a décrit ces phénomènes de géomorphologie. Dans les Hautes Laurentides, que nous ne couvrons pas ici, la plate-forme est moins morcelée et donc plus apparente.
Au sud, ne cherchez pas d’escarpement à la jonction de la pénéplaine avec les basses terres du St-Laurent, car la première s’enfonce lentement plutôt sous le sol de ces dernières, dans un piémont (166 à 330 mètres) d’où émergent encore le sommet des collines. On pourrait tenter d’indiquer la limite nord du piémont par un arc reliant les lacs Louisa, Barron, Marois et l’Achigan.
L’érosion du plateau, pour sa composante fluviale surtout, se serait accélérée en raison du rebond isostatique de cette partie du continent suite à la fonte récente (±9000 ans ici) de la calotte glaciaire. Cette érosion aurait été naturellement plus active en aval, ici sur sa marge méridionale. Le rebond est si accentué que nous pourrions l’avoir constaté au cours de notre vie.
Lorsqu’elle était enfoncée sous le poids de cet Inlandsis laurentidien, épais de plus de ±3 km à son apogée, la surface de la croûte terrestre y avait une altitude beaucoup plus faible. Puis, l’imposante couche de glace fondait rapidement et abandonnait les basses vallées à la mer de Champlain qui inonda la plaine du St-Laurent il y a 11000 ans, et qu’elle alimentait aussi de son eau de fonte. Le niveau de la mer allait atteindre la cote actuelle de 190 mètres; ce qui explique la présence d’alluvions et de terrasses marines jusqu’à une telle altitude. Elle a ainsi pu envahir l’actuelle vallée de la Rivière-du-Nord jusqu’à Mont-Rolland, par exemple, avant que la réaction isostatique ne puisse déclencher la remontée du continent.
L’empreinte glaciaire s’est aussi manifestée par l’action érosive propre aux glaciers. On sait que ces masses, dotées d’une certaine plasticité, glissent lentement. Par leur passage, les glaciers ont ainsi modifié l’aspect des vallées, leur donnant souvent la forme en auge typique. Ils s’y sont aussi souvent encavés dans la roche-mère, y formant ce que l’on appelle des ombilics, parfois en succession; ces cuvettes sont devenues lacs aujourd’hui. En même temps, la barrière rocheuse restée intacte en aval de ces ombilics et que l’on nomme verrou, est souvent chevauchée d’une cascade. Notre lac ne serait-il pas le reliquat d’un, voire deux ombilics? Le chemin de Lisbourg qui en barre l’actuel déversoir, ne constituerait-il pas alors une partie de son verrou; tandis que, sur la partie sud-est de ce dernier, probablement l’ancienne décharge du lac allait servir de pouvoir d’eau pour le moulin à scie de Montfort?
Les matériaux rocheux arrachés et transportés par les glaciers ont eux-mêmes servi à polir et strier la roche en place. Il a été donné à tous de constater ces derniers effets, au hasard de leurs promenades et ascensions de collines, partout où le roc est encore à nu. La récolte des glaciers, une abondante moraine, roches arrondies de toutes dimensions et sable, s’est déposée partout au fond des vallées, donnant un sol peu propice à l’agriculture. Même de gros blocs ont pu utiliser ce moyen de transport pour s’arrêter parfois au beau milieu de nulle part; ce sont les boulders.

Carl Chapdelaine

géographie physique (partie 2)

Le réseau hydrographique des Laurentides, comme celui des vallées qu’il emprunte, suit les mailles d’un treillis bien géométrique. Il épouse en fait les failles et fissures de la croûte terrestre. On identifie deux axes notables. L’orientation de l’axe principal va du sud-ouest au nord-est; c’est précisément celle de notre lac et du lac Chevreuil dont il est tributaire. Un axe secondaire lui est perpendiculaire ou peut pointer, entre autres, vers l’est sud-est. Ainsi, la Rivière à Simon qui nous rattache au bassin de la Rivière du Nord, zigzague plus ou moins dans ces deux directions avant d’aller rejoindre cette dernière, entre Ste-Adèle et St-Sauveur. Au sud de cet endroit, la Rivière du Nord vire au sud-est jusqu’à St-Jérôme, puis, à angle droit, au sud-ouest jusqu’à Lachute. Dans ce dernier droit, elle délimite aussi la frontière méridionale du Bouclier canadien. Elle ira se jeter dans l’Outaouais, à la tête du lac des Deux-Montagnes.
Le lac St-Victor et le cours d’eau dans lequel il se décharge restent dans l’axe du lac St-François-Xavier. Mais avec leur tributaire, le lac Notre-Dame, et malgré la minceur de la limite de partage des eaux les séparant de notre lac, ils prennent pourtant la direction opposée pour rejoindre le bassin de la Rivière Rouge en passant par Laurel. La Rouge draine tout le nord et l’ouest du Cœur des Laurentides. Elle ramasse, en passant, les eaux du lac des Seize Îles et ira se décharger dans l’Outaouais, juste à l’ouest de Grenville-sur-la-Rouge.
Le réseau hydrographique a eu un important rôle à jouer dans le développement de la région. Que l’on songe seulement à la colonisation et à l’exploitation de la forêt jadis, à la localisation des moulins, des villages et villes, puis au développement de la villégiature. Aujourd’hui, alors que sa vocation a bien changé, c’est donc la qualité de cette eau qui devient un enjeu majeur.

Le climat, clément par rapport à l’ensemble des Laurentides, ne diffère de celui de la plaine du sud que par quelques degrés de moins. Cet écart, plus marqué sur les sommets, favorise un enneigement et un gel plus précoces ainsi qu’une fonte printanière plus tardive. La température moyenne annuelle peut varier entre 2,5 et 5°C, autant en fonction de la latitude que de l’altitude. En été, les poussées de chaleur humide, connues dans la plaine de Montréal, ne se font que rarement sentir ici. De même, en hiver, cet air plus sec peut atténuer notre perception du déficit de degrés. Sauf en fonction du relief, le régime des précipitations ne se distingue guère de celui de la plaine, tant il est orchestré par les mêmes systèmes dépressionnaires.

La forêt recouvre la presque totalité du territoire; elle est mélangée, avec une large prédominance des feuillus. On parle d’érablière à bouleau jaune de l’Est. Cette forêt est plus productive que celle du nord parce que les arbres y poussent plus rapidement. Mais, vu la proximité de la grande zone urbaine, les peuplements y sont jeunes, pour y avoir été trop exploités; et les essences recherchées se font plus rares.

La faune est bien présente au Cœur des Laurentides quoiqu’elle soit affectée par l’accroissement de l’activité humaine. Les grands mammifères qu’on y retrouve sont essentiellement le cerf de Virginie, l’ours noir et aussi l’orignal. Il y a encore toute la gamme de plus petits quadrupèdes, comme le castor, et autres genres, dont certaines espèces en danger.
Côté poisson, la perchaude et le doré jaune, introduits de la Plaine de Montréal, ainsi que le grand brochet mordent souvent à notre hameçon. Mais le MRNF rappelle que l’omble de fontaine ou truite mouchetée, jadis perle de nos lacs, se fait plus rare dans le bassin de la Rivière du Nord. Il est souvent remplacé par des espèces introduites : la truite que nous ensemençons, et la truite brune, originaire d’Eurasie. On a aussi constaté une diminution de la population d’ombles dans les cours d’eau le long desquels s’est intensifié l’habitat humain. C’est sans parler de l’ancienne pratique de la drave. L’omble est, en quelque sorte, moins compétitif que ses cousines.
Même si le nombre n’y est pas, je m’en voudrais d’oublier la présence saisonnière de nos huards, becs-scies, hérons, martins-pêcheurs* et plusieurs autres oiseaux sur nos plans d’eau. Sans compter toute la plus petite faune ailée, surtout migratrice, qui agrémente notre quotidien.
* Tous friands de la truite arc-en-ciel Schell, spécifique à notre lac...
Carl Chapdelaine

Histoire et démographie

Au début du 18e siècle, l’appellation de «Pays-d’en-Haut» désignait toute l’ancienne région des Laurentides et même les terres au-delà, au nord et à l’ouest. Avant l’arrivée des Européens, les Algonquins occupaient ce territoire ; les «coureurs des bois» allaient par la suite le fréquenter.
La région acquit plus de notoriété avec l’arrivée du curé Labelle qui, dès 1860, se dévouait à la colonisation du territoire. L’agriculture lui fut un cheval de bataille même si les résultats furent décevants vu la nature du relief et des sols. Il aura créé « 20 villages-paroisses portant le vocable du calendrier catholique (le Nord de Montréal est surnommé la Vallée des Saints) »*. L’exploitation forestière, en fait, convenait mieux à la région. Avant la route, l’orientation naturelle des cours d’eau allait d’ailleurs permettre le flottage des billots vers les moulins puis les usines de sciage ou de pâtes et papier des villages.
Le vingtième siècle verrait naître une concurrence aux activités agricoles et forestières des Pays-d’en-Haut, du fait du développement des sports ou activités de loisirs : ski, pêche, etc., auxquels se prêtait si bien cette région de collines et de lacs. Le Petit train du Nord, puis la 117 et enfin l’autoroute occuperaient une place importante dans ce développement. Parallèlement, tourisme et villégiature s’imposeraient au rythme de l’accroissement de la population de l’agglomération urbaine de Montréal ; ils tracent encore l’avenir d’un pan de l’économie régionale.

Le recensement du Canada nous apprend que la population permanente de la MRC était en forte hausse au cours des dernières décennies ; elle atteignait 36 573 habitants en 2006. Une publication du CLD, «Profil socio-économique des Pays-d’en-Haut», en fait une analyse : «Entre 1981 et 2006, (sa) population enregistre une croissance de 98% alors que pour l’ensemble du Québec, elle est de 19%.» À Wentworth-Nord, l’augmentation était de 160%, l’une des plus forte de la MRC, le chiffre passant de 593 à 1353 personnes (et peut-être trois fois plus de saisonniers). C’est surtout entre 1986, 1991 et 1996 que le mouvement était à son apogée dans la municipalité, avec des taux de 32 et 33%. Le rapport attribue principalement cette tendance, à l’échelle de la MRC, à un choix pour la qualité de vie, par les professionnels et les retraités ou semi-retraités, parmi lesquels certains convertissent leur résidence secondaire en habitation principale. En dépit d’un accroissement naturel négatif, le rapport souligne que l’arrivée de nouveaux résidents continuera à faire grimper le nombre d’habitants.
L’âge médian de la population de la municipalité en 2006 était de 52,7 ans contre 48,6 pour la MRC. 22,5% avaient 65 ans et plus à Wentworth-Nord, contre 18,8% pour la MRC. Les revenus par habitant étaient supérieurs dans la MRC à ceux pour l’ensemble de la région administrative ou ceux du Québec ; avec toutefois, selon le rapport, un écart considérable entre revenus faibles et élevés.
Les «Profils des communautés de 2006» du Recensement nous dévoilent aussi que, pour la MRC, 86% des personnes étaient de langue maternelle française; c’était seulement 68% à Wentworth-Nord. 10% parlaient plus souvent l’anglais à la maison dans la MRC; c’était 28% à W-N.
12% des personnes âgées de 25 à 64 ans de la MRC n’avaient aucun diplôme; à l’autre extrémité du classement, 29% avaient un certificat ou un grade universitaire. Parmi douze catégories, le domaine d’études le mieux représenté, chez les 15 ans et plus, était : «Commerce, gestion et administration publique», avec 4 355 personnes (60% de femmes) ; puis : «Architecture, génie et services connexes», 3 135 (93% d’hommes) ; et «Santé, récréation et conditionnement physique», 2 215 (70% de femmes). À Wentworth-Nord, la catégorie Architecture, etc., (75% d’hommes) passait devant celle du Commerce.
Le taux d’emploi était de 57,4% dans la MRC contre 40,8% à W-N. Pour la MRC, la profession la plus indiquée était : «Ventes et services», avec 27% de la population active, puis venaient «Gestion» et «Affaires, finance et administration», avec chacune 16%. À Wentworth-Nord, les «Ventes et services» étaient aussi en tête dans les professions, suivies de «Métiers, transport et machinerie».
Pour la MRC des Pays-d’en-Haut, le lieu habituel de travail, hormis le domicile, était dans la même municipalité pour 22%, dans le reste de la MRC pour 15% et en dehors de la MRC pour 63%. Ce dernier chiffre grimpait à 68 % pour les travailleurs de Wentworth-Nord. www.statcan.gc.ca
*Source : quid.fr/monde Carl Chapdelaine

Économie

Historiquement, c’est la progression de la première route puis de celle du chemin de fer, dans l’axe Montréal – Saint-Jérôme – Mont-Laurier, qui entraînera le développement économique des Laurentides. C’est en 1909 que la voie ferrée, reprise plus tard par le Canadien Pacifique, rejoindra enfin cette dernière ville, rappelle Serge Laurin dans son histoire des Laurentides. Le curé Labelle avait fait des pieds et des mains jusqu’à sa mort, en 1891, pour obtenir cette ligne dont il ne pourra voir la réalisation complétée.
Toutefois, le train avait déjà connecté Saint-Jérôme à Montréal en 1876 et permis à ce dynamique village de voir naître son industrie. «Par ailleurs, la Compagnie du Grand Nord a racheté le Chemin de fer de la colonisation de Montfort – Saint-Jérôme à Arundel en 1897.» Grâce au chemin de fer, le Cœur des Laurentides, toujours en pleine colonisation, allait pouvoir accentuer le développement de son exploitation agricole et surtout forestière.
Doublé du passage de la Rivière du Nord et de son potentiel hydrologique, le train allait attirer, souligne Serge Laurin, deux entreprises de poids à proximité de Saint-Jérôme, à la fin du siècle, la pulperie Delisle et la compagnie de papier Rolland. Bien sûr, la forêt de la région fournissait la matière première de la pâte à papier en plus d’alimenter de multiples scieries. Montréal et, au-delà, les États-Unis avaient déjà bien besoin de bois de sciage et de papier. Quelques usines de portes et fenêtres se greffèrent à l’exploitation forestière. 
Il rappelle encore que la maigre production agricole se tourna parallèlement vers la production de lait et de beurre pour le marché de la métropole maintenant accessible. La Dominion Rubber et la Regent Knitting viendraient aussi consolider le développement économique de Saint-Jérôme et créer nombre d’emplois. Les gares étaient elles-mêmes devenues des pôles de croissance. 
Le tourisme et la villégiature profiteraient tout autant de la pénétration des Laurentides par cet axe de transport de Montréal à Mont-Laurier. Saint-Sauveur, Sainte-Adèle, Sainte-Agathe, Saint-Jovite et bien d’autres villages allaient grossir à vue d’œil et bientôt devenir les stations touristiques d’aujourd’hui. Sans ces activités, ces villages auraient au contraire périclité pour la plupart. Les lacs en belle saison et les stations de ski en hiver, ou plus globalement les activités récréo-touristiques, deviendraient le moteur économique régional.
Dès les années quarante, la route, avec ses possibilités de rejoindre toutes destinations, retrouvait sa vocation originale et cherchait à supplanter la voie ferrée. L’après-guerre permettrait d’ailleurs à bon nombre de familles de s’acheter une automobile, tandis que le camion se mesurerait au train pour le transport des marchandises. Lorsque l’autoroute rejoint Saint-Jérôme à la fin des années cinquante, le P’tit train du Nord avait perdu toute raison d’être.
Pour leur part, l’exploitation forestière et agricole avaient parallèlement déjà franchi leur apogée; les entreprises qui y étaient associées allaient pour la plupart disparaître. La petite industrie prendrait la relève à Saint-Jérôme, pôle de développement qui verrait aussi et encore aujourd’hui la multiplication des entreprises de commerce et de services desservant une bonne partie du Cœur des Laurentides.
 
Les statistiques économiques ne correspondent guère à la délimitation de notre territoire d’analyse. Toutefois, en consultant le «Profil des communautés de 2006» du recensement canadien, pour la division (MRC) des Pays-d’en-Haut, nous pouvons cerner l’éventail de ses composantes économiques actuelles en termes d’emplois. Nous disposons même des statistiques spécifiques à Wentworth-Nord. www.statcan.gc.ca
Le tableau suivant donne cette distribution de la main-d’œuvre par industrie dans la MRC  et la municipalité en 2006 :
                                                MRC        Wentworth-
                                                                      Nord
Industrie         Pop. Active:   19 195              505
Agriculture, ressources    …     315                 10
Construction                      …  1 600                85
Fabrication                        …   1 710                60
Commerce de gros             …    890                15
Commerce de détail           …  2 565               45
Finance, service immobilier... 1 215               30
Santé et services sociaux   … 1 930               60
Services d’enseignement    … 1 345               35
Services de commerce        … 3 615               65
Autres services                   … 4 015              100
 
Les chiffres de ce tableau nous indiquent que l’exploitation directe des ressources n’occupe maintenant que 1.6% de la population active dans notre MRC (2.0% à Wentworth-Nord). La construction regroupe 8.3% (16.8% à W-N), et la fabrication, 8.9% (11.9% à W-N). Les divers services regroupent donc l’immense majorité de la main-d’œuvre dans les Pays-d’en-Haut, avec 15 575 emplois, soit 81% (82% en 2001) de la population active de la MRC. C’est 350 personnes ou 69% (65.6% en 2001) à Wentworth-Nord. Au Québec, les services offraient 76.5% des emplois en 2006.              
 
Dans son Énoncé de vision stratégique 2011 – 2020, le CLD des Pays-d’en-Haut indique que le nombre d’entreprises dans la MRC était passé de 1281 à 1352 entre 2006 et 2009. En 2009, 90% de ces entreprises avaient moins de 20 employés, dont 59% en avait moins de 5.
Le nombre d’emploi des secteurs de commerce de gros et détail avait crû de 30% entre 2001 et 2006 mais le nombre d’entreprises était resté le même, ce qui impliquait une augmentation de la taille des commerces.
L’économie était dépendante de la performance du secteur touristique. Mais malgré l’augmentation continuelle des recettes de ce secteur, force était de constater que la MRC attire de plus en plus d’excursionnistes, aux dépens d’une infrastructure hôtelière stagnante.
                                                                                                          Carl Chapdelaine
 
 

Tourisme

Dans notre précédent article, nous mentionnions que le tourisme avait profité de la voie de pénétration constituée par le Petit train du Nord. Que grâce à ce dernier puis à la route et l’autoroute qui le remplacèrent, Saint-Sauveur, Sainte-Adèle, Sainte-Agathe, Saint-Jovite et bien d’autres villages allaient grossir à vue d’œil et devenir les stations touristiques d’aujourd’hui. Cette activité constituerait bientôt le moteur économique régional.
Des collines, parmi les mieux situées sur cet axe, se transformeraient en centres de ski, très appréciés de la clientèle venue de Montréal et d’au-delà. La proximité de la métropole est d’ailleurs le facteur clé qui alimente la fréquentation touristique de la région.
Les origines du ski au Cœur des Laurentides, à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson entre autres, remontent au début du XXe siècle. La distinction entre ski de randonnée et ski alpin et la reconnaissance de ce dernier n’arriveraient qu’en 1930. Dans les années suivantes, les Montréalais profiteraient de la fin de semaine et du train pour une journée de ski à la Big Hill ou côte 70, de Saint-Sauveur-des-Monts, où la première remontée fixe au monde fut installée en 1934.
Les activités touristiques sont multiples : villégiature, voyage ou excursion* de découverte, en voiture, car, vélo, etc. Ces derniers peuvent emprunter des circuits comprenant lacs, rivières ainsi que panoramas champêtres et vallonnés, tout en privilégiant le vert de l’été, les coloris d’automne ou la blancheur de l’hiver. S’y ajoutent la fréquentation des stations et villages touristiques, le camping au Parc du Mont-Tremblant ou dans les sites privés, et d’autres activités sportives :ski de randonnée et ski alpin donc, surf des neiges, raquette, bicyclette au Corridor aérobique et au Parc linéaire du P’tit Train du Nord, randonnées pédestres en forêt ou sur les collines, dans des sentiers aménagés, canotage, descente de rivière, baignade, pêche et autres activités nautiques, motoneige, golf, etc.
L’offre de multiples événements culturels ou festifs, de centres ou camps de vacances, de salles de congrès, de boutiques, de galeries d’art, de publications régionales et autres ressources, complète le tableau. Toutes activités ou services dont profitent aussi, au premier plan, les résidents locaux.
 
Essentiel à l’économie du Cœur des Laurentides, le développement touristique favorise aussi la balance commerciale de tout le Québec. La fréquentation de la région par les Ontariens et les Américains représente déjà une ressource intéressante. C’est inévitablement le fruit du calibre international de certaines destinations ou activités de loisirs qui y sont offertes et de leur réputation parfois centenaire. Mont-Tremblant, la moderne et opulente station touristique de villégiature, a son casino et maintenant son aéroport international à La Macaza. La compagnie aérienne Porter y tient une liaison avec Toronto, particulièrement achalandée en saison estivale.
L’effet de ce développement sur notre balance commerciale a une autre composante, double celle-ci : non seulement profite-t-il de la clientèle montréalaise, mais il prévient, dans une certaine mesure, son exode hors Québec. Il concurrence l’attrait des plages de la côte est, des centres de ski et autres attractions touristiques de nos voisins. Et cela vaut aussi pour toutes les autres destinations.
 
L’infrastructure d’accueil devient un préalable essentiel à la venue de tous ces visiteurs. Selon le Réseau de veille en tourisme de l’UQM, la majorité des touristes internationaux venus au Québec en 2008, en provenance des Etats-Unis au plus des deux tiers, séjournent à l’hôtel. Les Américains peuvent parfois lui préférer le motel. Puis vient, loin derrière, l’hébergement chez les parents ou amis.
La résidence de villégiature (chalet) privée ou louée a cependant été le mode d’hébergement pour 35% des voyages-personnes des «touristes d’agrément canadiens (incluant québécois) au Québec», devant l’hôtel (21%), la parenté ou les amis (17%) et le camping (16%). La région des Laurentides est au premier rang de cette prépondérance du chalet ; la clientèle, essentiellement urbaine, provient ici encore de la région de Montréal et, accessoirement, de celle d’Ottawa-Gatineau. (Rvt, UQM)
Cette prépondérance commence à être reconnue dans la région où a été créé «Le Comité du Créneau d’excellence Tourisme de villégiature quatre saisons», qui en fait son cheval de bataille. Et si cette réalité s’avérait être une tendance lourde, il faudrait en tenir compte dans les plans d’aménagement du territoire de notre MRC et de ses municipalités.
On peut imaginer que ce phénomène accroît aussi le nombre moyen et total de nuitées des voyageurs dans la région. Les dépenses ainsi que la création d’emplois qui lui sont associées sont probablement au premier rang des retombées touristiques au Cœur des Laurentides. Il accentue parallèlement l’effet positif sur la balance commerciale du Québec mentionné plus haut. Y aurait-il donc lieu de favoriser le développement de la résidence de villégiature, dans la foulée de Mont-Tremblant, auprès de sa clientèle traditionnelle de Montréal et d’Ottawa-Gatineau?
Mais cela risque de venir en conflit avec la protection de l’environnement (lacs, paysages, et autres), du cachet des villages, etc. L’urbanisation pourrait en être accélérée, la résidence secondaire devenant parfois l’habitation principale et la pression sur les services ou l’infrastructure favorisant cette tendance. Les résidents permanents et les villégiateurs eux-mêmes n’y sont plus indifférents.
La grande perdante est l’activité hôtelière, que l’augmentation de la proportion des excursionnistes dans le nombre total de visiteurs n’arrange pas davantage. Les alternatives à l’hébergement commercial traditionnel jouissent d’ailleurs de la popularité grandissante de la réservation en ligne depuis le début des années 2000.
 
En moyenne pour 2009 et 2010, le nombre estimé de touristes** québécois dans «la région touristique des Laurentides» a été de 2 millions. Leur séjour moyen fut d’environ 2,5 nuits, pour une dépense totale évaluée à ±342 millions de $. (Tourisme Québec, sur données de l’EVRC***)
Un tableau du CLD des Pays-d’en-Haut (sur données de l’EVC***), indique qu’on estime à 0,5 million le nombre de visites d’une nuit et plus** dans la MRC, pour une durée moyenne de 2,8 nuitées. 1,2 millions d’excursionnistes d’un jour s’y ajoutent, pour des dépenses combinées de 216,5 millions de $.
Le CLD rapporte un total de 593 entreprises touristiques dans la MRC en 2010, dont 28% d’hébergement, 30% de boutiques et 26% de restaurants. Elles sont majoritairement situées à Saint-Sauveur et Sainte-Adèle, les principaux pôles touristiques de la MRC.  Le taux d’occupation de ces établissements d’hébergement, à 31,4% en 2009, ne descend en bas de 25% qu’en avril. Le Cœur des Laurentides approche donc de la destination quatre saisons. Wentworth-Nord est la deuxième municipalité de la MRC en importance, après Saint-Sauveur, au chapitre des unités d’hébergement touristique, grâce à ses trois centres de vacances et à ses deux campings…
 
Dans ses objectifs de développement, le Comité du Créneau d’excellence insiste sur la consolidation des acquis et des atouts, sur l’amélioration de l’accès à la région, sur l’enrichissement de l’expérience de séjour et sur le renforcement de l’image de marque des Laurentides.
 
*Aller-retour dans la journée.
**Cela inclut les villégiateurs (mais pas les excursionnistes).
***Enquête sur les voyages des (résidents) du Canada, Statistique Canada.
Carl Chapdelaine